Vendredi 9 juillet 1999     NGUIGMI - MAO

A 18 heures 30, grande discussion. On ne comprend pas grand chose mais maintenant tout le monde s’énerve. Ça n’avance pas, les gens s’inquiètent, sont crevés, la situation ne les amuse plus. Le manque d’eau inquiète le chauffeur. A 19 heures, nous stoppons au milieu de la piste. Un puit d’eau se trouve, parait-il, à proximité. Il commence à faire nuit et nous partons à pied dans le sable, bidons à la main, à la recherche du puit. Vive l’aventure ! En route, nous rencontrons des nomades. Dans leur campement, ils nous offrent à boire de l’eau sale que nous filtrons avec la paille. Ça fait du bien ! Ils nous confirment l’existence du puit et nous indiquent la direction. On marche encore un moment, il fait nuit, le vent souffle et au loin, un orage menace. Enfin, nous atteignons le point d’eau. Chacun remplit ses bidons et nous rebroussons chemin, chargés, dans la nuit et en plein désert. Le sable rend la marche pénible et on ne voit rien. De retour au véhicule, nous avons quelques minutes de repos seulement avant de poursuivre la route. Nous roulons lentement, avec des ensablements fréquents jusqu’à une heures du matin. Nous sommes dans un petit village et quelques passagers descendent.

Samedi 10 juillet 1999     NGUIGMI - MAO

A 3 heures, on nous apporte du riz, puis on se rendort sur le sable. Il fait froid. A 5 heures 30, nous repartons. La progression est extrêmement lente et bien que le véhicule soit un peu moins chargé, nous restons toujours dans l’inconfort. Des pannes, des enlisements, et cette chaleur... C’est très dur. La piste n’en finit pas, on croise des troupeaux de chameaux et de chèvres. La poussière nous recouvre, on s’accroche du mieux qu’on peut, ça secoue. Stop ! un passager vient d’être éjecté. Heureusement, rien de grave, le sable a amorti sa chute.

A 12 heures 30, nous arrivons à RIG RIG, épuisés. Un militaire nous emmène boire un Coca Cola chaud mais ça fait un bien fou. Il nous offre également de l’eau claire, on peut enfin boire à notre soif, sans la paille. Puis les douaniers nous installent sous une paillote, à l’ombre. On est bien, ça détend. D’un coup, le vent le lève, il se met à pleuvoir. Nous courrons nous abriter dans le poste de douane et nous nous allongeons sur une paillasse, par terre. Ahhhhhhh, un peu de repos, à l’abri. A 16 heures, réveil.

La pluie s’est arrêtée. On discute un moment avec les douaniers et à 17 heures, le chauffeur donne le signal du départ. Quelques kilomètres après avoir quitté la ville, le moteur s’arrête. Le diagnostique : panne d’essence !!! Arriverons nous un jour ? Et hop, deux personnes repartent à pied à RIG RIG, de gros bidons sur la tête. En attendant, il fait froid. Alors les gens se divisent en petits groupes et chacun se fait un petit feu de bois. Devant le notre, on mange des cacahuètes en rêvant à de bonnes grillades. A 20 heures, retour des deux pompistes et leur essence. A 20 heures 30, on peut y aller. Maintenant, le rythme s’accélère. Bientôt, il pleut. On étend une grande bâche au-dessus des têtes. Ensuite, séance de gymnastique. l’exercice consiste à étendre une autre bâche sous nos fesses, toujours en roulant et en gardant l’autre au-dessus de nous ! Que la piste est longue, ça ne semble jamais vouloir finir. On pense à la bonne cuisine Française : tarte aux fraises, purée, steak, saucisson, bons restos, moules frites, pizzas... A minuit et demie, nouveaux problèmes mécaniques. Tout le monde descend et s’éparpille pour la nuit. Il fait froid mais on est si fatigués que nous parvenons à nous endormir.

Dimanche 11 juillet 1999     NGUIGMI - MAO

Lever à 5 heures 30. Après la prière, tout le monde est autour du moteur, et à 6 heures 30 on lève le camp. A 7 heures, la petite ville de MAO apparaît. Un oasis dans le désert. Le pick-up nous dépose devant le commissariat de police. On leur confie la garde des passeports et sacs à dos, puis nous allons prendre une chambre à la "maison des jeunes". Vraiment pas cher : 2500 CFA = 25 Francs Français. Bien que l’ensemble soit un peu poussiéreux, on a la douche dans la chambre et ça c’est le principal. On est enfin arrivés ! Difficile à croire. Au marché, nous prenons un thé et des beignets, puis chez un commerçant, un coca frais, le premier depuis fort longtemps. Déjà on se sent revivre. Ensuite, retour au commissariats où on discute un long moment avec le commissaire. Lessive et douche, douche avec un grand D ! Ouf, nous voici posés, dans une chambre à nous. En ville, c’est la fête. Matchs de football et danses rythment la soirée. Mais la plupart des commerces sont fermés. Il y a deux petits restos mais on ne peut même pas obtenir le minimum. On achète donc du pain et une boîte de Harengs humanitaire (il s’agit de conserves données par les organismes humanitaires que les commerçants revendent !). A 19 heures, tout est endormi. On prend un dernier coca en admirant les étoiles. Quant aux Harengs humanitaires, ils sont excellents.

Lundi 12 juillet 1999     MAO - NDJAMENA   (31 heures - 300 kms)

Nous nous levons à 6 heures 30. Qu’il est bon de pouvoir prendre une douche le matin et se sentir propres, tout neufs. A la gare routière, pas de véhicules pour la capitale Tchadienne, du moins pas pour l’instant. Il faut attendre "l’occasion". Pour passer le temps, balade au marché, petit déjeuner et nous retrouvons le chauffeur du pick-up qui nous a conduit ici. Il doit réparer la voiture et trouver des passagers pour repartir à NGUIGMI.

Nous retournons au commissariat, puis à la sûreté pour remplir encore des fiches. Les gamins nous exaspèrent, on ne peut pas faire un pas sans qu’ils nous suivent en réclamant quelque chose (de l’argent de préférence). Bon, maintenant il est 10 heures 21 et on ne sait pas quoi faire. Si seulement nous trouvions une voiture pour partir aujourd’hui... Le marché est animé, toutes les boutiques sont ouvertes. En fin de matinée, un camion stoppe à la gare routière. Il se rend à NDJAMENA, voilà notre "occasion". Après de fermes négociations, on obtient des places en cabine. Il y a peu de passagers, nous avons donc l’espoir d’un meilleur confort.

Le départ est prévu pour 14 heures, ce qui nous laisse le temps de faire quelques provisions (hareng, pain, cacahuètes, dates) et rentrer prendre une dernière douche (il fait tellement chaud). Demain, nous serons à NDJAMENA. La pensée d’arriver au bout et de réserver un avion pour l’Amérique du Sud nous donne des ailes. Ces derniers jours si épuisants ont conforté notre décision de quitter l’Afrique. Nous aurions aimé faire plus mais la saison des pluies s’annonce et nous estimons avoir eu notre compte de "galères". A 13 heures 45, nous sommes prêts à poursuivre l’aventure. En attendant le départ, nous mangeons encore des beignets avec un verre de lait et discutons avec un adorateur de Dieu. Ça passe le temps. A 16 heures 30, nous grimpons dans la cabine, le camion démarre. La piste n’est pas mauvaise, ça roule lentement... A 20 heures 30, arrêt au village de MONDO pour la prière. Nous repartons une demi-heure plus tard. Avec la saison des pluies, les paysages sont plus verts. Vers 22 heures, bivouac. On se régale de nos délicieux Harengs humanitaires, puis on se recroqueville dans la cabine pour essayer de dormir un peu. Dehors, il fait froid.

Mardi 13 juillet 1999     MAO - NDJAMENA

A 5 heures, le jour se lève. Nous sommes prêts d’un petit village. A 6 heures, départ. La piste est par endroit inondée, on progresse lentement mais sûrement. Après tout, chaque tour de roue nous rapproche de la capitale. A 10 heures, arrivée à MASSAKORI, une petite ville. On en profite pour prendre un thé et des beignets. Autour, les gens cultivent les champs, élèvent des vaches... On les sent actifs. A 11 heures 40, le camion redémarre. On traverse de nombreux village. De gros écureuils cavalent sur la piste, tandis que de jolis oiseaux bleus se sauvent à notre approche. A 15 heures 15, autre halte à proximité d’un village de brousse. Durant 1 heures 10, sagement assis par terre, nous grignotons des biscuits pas bons et ennuyons les fourmis dans le seul but de passer le temps. Nous reprenons la piste qui semble ne pas avoir de fin. On a le désagréable sentiment qu’elle s’allonge. Que c’est long ! En route, nous croisons pas mal de camions sur lesquels sont entassés un nombre impressionnant de passagers. Ils viennent de partir et prévoient un minimum de 6 jours de route. Dans la soirée, des milliers de fourmis volantes envahissent le ciel et virevoltent tels des flocons de neige. Elles disparaissent avec le coucher du soleil. Puis peu à peu, la nuit tombe sur la brousse. C’est l’heure de la prière. On roule, on roule, les villages de cases sont déjà endormis.

A 20 heures, arrivée au village de BOUTELFIL où il faut se faire enregistrer à la police. Les flics ne sont pas bien doués. Ils tournent nos passeports dans tous les sens, ne relèvent pas le numéro du bon visa et nous demandent de payer un "droit de police" en affirmant que nous ne sommes pas en règle ! Nous leur rétorquons qu’il n’est pas nécessaire d’inventer des problèmes, on ne paiera rien de toute façon. Ils n’insistent pas et notent des chiffres qui ne correspondent à rien ! Encore 7 kilomètres de piste. Seulement 7 avant le goudron ! Enfin la route, la vraie. Victoire ! On y est ! Mais au bout de quelques minutes, panne d’essence. On descend du camion, de gros insectes volants nous tombent dessus de tout côtés. Quel horreur, on dirait d’énormes cafards volants. Ça repart lentement jusqu’à un contrôle de police, celui de NDJAMENA. Nous y sommes enfin ! Autre arrêt mécanique avant l’arrivée définitive en ville, dans une petite rue. Il est 23 heures 30, rien autour, chacun part de son côté et nous on est perdus. Le tarif des taxis nous semble excessif. Des jeunes nous emmènent alors à un poste de gendarmerie non loin de là. La nuit le quartier est particulièrement dangereux et nous serions à coup sur agressés si nous restions ici plus longtemps. Les gendarmes nous permettent de passer la nuit avec eux. On étale notre bâche et les sacs de couchage dans un bureau, on est bien et on économise une nuit d’hôtel.

Mercredi 14 juillet 1999     NDJAMENA

Réveil à 5 heures 30. Quelques minutes plus tard, nous prenons un taxi pour l’hôtel Dunia. Le chauffeur ne connaît pas l’endroit, il demande à droite, à gauche, fait un grand détour, finit par nous déposer devant le resto bar "la Croisière" qui loue des chambres et nous demande un supplément pour les détours. Pas question ! On doit encore discuter un moment avant qu’il ne laisse tomber. Enfin à 8H, nous nous installons. On attendait cet instant depuis si longtemps. A présent, fini les camions, les pistes, les 4X4, les tababus et autres transports tous plus inconfortables les uns que les autres. Nous quitterons cette grande ville dans un avion, le luxe absolu. Après un bon petit déjeuner, balade dans les environs. Le centre ville n’est pas bien grand. On fait toutes les agences et Compagnies Aériennes afin de profiter du meilleur tarif. L’ARGENTINE sera notre prochaine terre d’aventure et l’Afrique.... on y reviendra. Nous sommes rassasiés de ses difficultés mais l’intérêt reste exceptionnel. Vers 13 heures 30, nous allons dans un resto tenu par des Français. Nous sommes tout de suite très bien accueillis. On discute avec les dirigeants en leur racontant nos dernières péripéties.

Alors que nous n’avons commandé qu’une assiette de frites, nous constatons qu’un steak surmonté d’un œuf ont été rajouté. Puis arrivent des militaires Français qui nous offrent un café. Tout le monde nous soigne à merveille, quel contraste avec les jours précédents ! En ce jour de fête nationale, une réception est organisée par l’ambassadeur de France. Tout le monde est invité ! Nous avons juste le temps de rentrer à l’hôtel, faire un peu de lessive, nous décrasser et nous vêtir de nos plus beaux habits. A 18 heures 30, nous nous rendons à l’hôtel-restaurant des Français. Ils sont déjà partis et leur chauffeur nous conduit à la résidence de l’ambassadeur. Là, nous retrouvons les propriétaires du restaurant, Linda et Jean qui nous présentent au Consul. Toute la soirée, nous pouvons apprécier toutes ces bonnes choses dont nous rêvions encore hier, perchés dans le camion. Fromage, pâtisseries, charcuterie, petits fours, champagne... et tout ça à volonté ! Peu après 22 heures , la fête se termine et des militaires nous ramènent à l’hôtel en voiture. Ils insistent sur le danger que représente la ville de nuit. Il ne faut surtout pas marcher dans les rues sous peine de risquer de se faire tirer dessus.

Jeudi 15 juillet 1999     NDJAMENA

De bonne heure, réservation des billets d’avion. Le moins cher est de passer par JOHANNESBURG, via ADDIS ABEBA en ETHIOPIE. C’est à JOHANNESBURG que nous prendrons les prochains billets pour BUENOS AIRES. Décollage demain à 4 heures. Billets en main, nous allons au resto de Linda et Jean qui nous présentent de nouvelles personnes qui dirigent des Sociétés au TCHAD : Thierry M. et Jean Laurent. Le soir, nous les retrouvons encore. Il y a aussi un pilote d’avion "Jaguard", un Portugais et une Allemande. Nous partageons le repas et partons tous ensemble en discothèque remplie de militaires. Ceux-ci n’ont pas la "permission de minuit". A minuit 05 précises, des policiers militaires font irruption et vérifient chaque recoin pour qu'aucun d'eux ne déroge pas à la règle.

Vendredi 16 juillet 1999     NDJAMENA - ADIS ABEBA   (3 heures 50 de vol)

A 1 heure du matin, Thierry M et le Portugais nous conduisent à l’aéroport. De gros cafards volants nous tombent dessus, l’un d’eux s’en prend à mes cheveux. A 2 heures, enregistrement des bagages et à 4 heures, nous embarquons à bord de l’appareil affrété par Ethiopian Airlines. Une demi-heure plus tard, décollage. On nous sert le petit déjeuner. Nuit blanche mais nous nous rappellerons de la dernière soirée en Afrique, la plus divertissante. Notre Boeing 757 est plutôt confortable.

A 10 heures 20, nous nous posons dans la capitale Éthiopienne. Il fait froid (15°) et le ciel est couvert. La prochaine nuit d’hôtel est payée par la Compagnie Aérienne, ainsi que les repas sur place. On est installés confortablement, dans une belle chambre. Après un excellent déjeuné composé d’une soupe, steak, salade de fruit et café, rapide balade en ville malgré la fatigue. Le coin offre peu d’intérêt alors nous rentrons nous reposer devant la télévision. A 19 heures 45, nous redescendons manger, de bonnes choses nous sont encore servies, miam !